Laissez-moi vous parler aujourd’hui des défis démographiques qui adviennent actuellement et adviendront par la suite en Chine. Un article intéressant pour mieux comprendre les défis auxquels fait face la Chine en dehors des préjugés tels qu’on peut se faire.
Politique de l’enfant unique
En 1979, le gouvernement Chinois a mis en place la politique de l’enfant unique. Le but : maîtriser l’essor démographique du pays le plus peuplé du monde, et qui dispose de relativement peu de ressources : 10% du territoire Chinois à peine est cultivable, contre 40-50% du territoire Français, le reste étant des montagnes et des déserts principalement.
Contrairement aux idées reçues, toutes les familles Chinoises n’ont pas qu’un seul enfant. En effet, si la politique de l’enfant unique fut strictement appliquée dans les grandes villes Chinoises, ce ne fut pas toujours le cas dans les campagnes.
En outre, de nombreuses exceptions confirment la règle :
– Il est possible d’avoir un deuxième enfant si le premier est un fille
– Les minorités ethniques (une trentaine de mémoire) ont le droit d’avoir plusieurs enfants
– Il est possible d’avoir un deuxième enfant, moyennant une amende. J’ai entendu parler de 200 000 yuans d’amende (environ 25 000 euros) pour un second enfant, l’équivalent de 5 ans de salaire d’un employé Beijinois. Beaucoup mais abordable pour les familles aisées
Bilan : en moyenne, une femme Chinoise à 1,6 enfants. C’est certes moins que le seuil de renouvellement de la population, mais loin de l’enfant unique et similaire à la démographie Européenne (Allemagne : 1,3 enfants par femme, France : 1,8…)
En outre, cette politique démographique, rude et contestée, eut l’avantage d’éviter l’explosion démographique que connut l’Inde (et qui deviendra rapidement le pays le plus peuplé du monde). Mais cette politique eut également de nombreux inconvénients :
– Les Chinois préfèrent traditionnellement les garçons aux filles (c’est le garçon qui prendra soin de ses parents une fois âgés…).
Jusqu’à l’enfant unique, si l’enfant était une fille, ce n’était pas grave, on mettait en route un deuxième, troisième… jusqu’à avoir un garçon. Aujourd’hui, la préférence du garçon fait qu’il existe des avortements sélectifs, ciblant principalement les filles.
Bilan : il manquerait 50 millions de femmes en Chine, et sur 100 hommes de ma génération, il n’y aurait que 80 femmes. La Chine est l’unique pays au monde où il y a plus d’hommes que de femmes (51% d’hommes contre 48% en moyenne mondiale) et 20% des hommes seront donc incapables de trouver une compagne.
– Le pays est très vieillissant
Comme je le disais tout à l’heure, le nombre d’enfants par femme est acceptable (1,6, similaire aux pays riche) mais bien inférieur au seuil de renouvellement des générations (2,1 enfant par femme). Quand l’Europe pallie le manque d’enfant par l’immigration (75% de la hausse de la population Européenne est due à l’immigration, la France étant l’exception qui confirme la règle, car 75% de la hausse de la population vient… de la très forte natalité française), la Chine elle ne bénéficie pas d’immigration.
Il existe des migrations internes. Par exemple, le taux de natalité hyper-faible de Hong-Kong (0,99 enfants par femme bien que la ville ne soit pas soumise à l’enfant unique) est compensé par une forte immigration Chinoise. Mais au niveau du pays, la situation est explosive :
– La population active va atteindre son pic en 2015 et diminuera par la suite
– Les 15-24 ans, cœur de la main d’œuvre des usines Chinoises, diminuera de 27% d’ici 2025
Enjeux du vieillissement de la population Chinoise
La Chine pourrait être le pays le plus vieux du monde d’ici quelques années (avec l’Allemagne et le Japon). Or, cela pose de nombreux problèmes :
– Le coût de fonctionnement du pays (retraites, santé) va exploser : +78% de prévu pour les retraites d’ici 2025
– La rare main d’œuvre fera que le coût de la main d’œuvre va énormément augmenter ces prochaines années
Déjà depuis 2005, les salaires Chinois augmentent de 20% par an, bien plus que la productivité des salariés Chinois. Cela pose deux problèmes :
– La perte de compétitivité des Chinois
L’industrie (par exemple textile) déserte la Chine et délocalise au Viet-Nam, au Bangladesh ou au Pakistan, où la main d’œuvre est 3 à 4 fois moins chère qu’en Chine. Cela oblige la Chine a remonter la chaîne de valeur et à miser sur l’innovation et les nouvelles technologies : la Chine est déjà leader des énergies renouvelables par exemple.
Autre enjeu : la balance commerciale
– Le yuan, bien que sous-évalué, augmente avec le temps : 1 euro valait 10 yuans il y a quelques années, 8 désormais.
Entre hausse des salaires et hausse du yuan, les produits Chinois sont de moins en moins compétitifs. Les exportations Chinois augmentent moins vite que les importations, et la Chine a même connu un déficit commercial en début d’année (importations > exportations).
– Cela obligera la Chine a recentrer son économie sur la consommation intérieure, mais l’enjeu est difficile, car 50% des revenus des Chinois est épargné.
Une réforme du système social (retraite, santé) devra être réalisée pour pousser les Chinois a davantage consommer.
Résumons : La politique de l’enfant unique a été mis en place en 1979 et a permis d’éviter un essor démographique incontrôlable, mais il s’agit d’une bombe à retardement, entre :
– Vieillissement accéléré de la population
– Déséquilibre du ratio homme/femme
Dès lors, la question de l’arrêt progressif de cette politique est discutée. Déjà dans les grandes villes comme à Beijing, les couples où le mari comme la femme sont enfants uniques ont droit d’avoir deux enfants, et cette politique sera sans doute assouplie sur le long terme.
Car de nombreuses personnes estiment que pour maintenir la croissance économique, il faut augmenter le nombre de consommateurs, donc de bébé. Cependant, la réponse n’est pas évidente, pour deux raisons :
– Même si la politique de l’enfant unique disparaissait, il faudrait attendre 2028 (que les premiers enfants « non-unique » aient 16 ans) pour que cela impacte la population active.
D’ici là, la population active diminuera énormément…
La suppression de l’enfant unique ne signifie pas que les Chinois auront plus d’enfants…
Comme je le disais précédemment, à Hong-Kong, les femmes ont 0,99 enfants en moyenne alors même que la politique de l’enfant unique n’existe pas dans cette ville. En effet, de nombreux couples Chinois ne souhaitent pas forcément avoir beaucoup d’enfant car la vie coûte de plus en plus cher et il est difficile (à moins d’avoir des revenus très élevés) de pouvoir assumer correctement plusieurs enfants.
Voici quelques données à ce point intéressant :
– Il y a 20 millions de jeunes (majoritairement diplômés du supérieurs) qui rentrent sur le marché de l’emploi chaque année, le double des USA et de l’Europe réunis.
– 300 millions de paysans vont émigrés dans les villes d’ici 2030 (je reviendrai dans un prochain article sur ce point)
Pour faire face à la demande en emploi, il faut une croissance économique d’au minimum 7 à 8% par an… Même avec la croissance économique actuelle (10% par an), le chômage est grand et de nombreux diplômés acceptent n’importe quel job… même mal payés du moment qu’ils en trouvent un…
– De nombreux jeunes diplômés (surnommés les fourmis) vont gagner 300 euros par mois et survivre difficilement dans les grandes villes, habitant dans des logements de mauvaise qualité surpeuplés…
Autre enjeu crucial : l’immobilier.
Durant longtemps, les logements étaient entièrement propriété de l’Etat. Ils étaient souvent de (très) mauvaise qualité, mais les loyers étaient très faibles ou inexistants. Depuis, l’immobilier a été « libéralisé » et il est désormais possible de posséder son propre logement.
Entre explosion des revenus, enfants uniques supportés par leur famille et explosion démographique, le prix des logements explose.
Ainsi à Beijing, il faut compter entre 1 000 et 10 000 euros le m² à l’achat (un hutong de 100m² en centre-ville = 1 million d’euro, 100m² en très haute banlieue = 80 000 euros). Sachant que la majorité des Beijinois gagnent 400 euros par mois…
30 ans de salaire pour acheter une maison
Dans les grandes villes (Beijing, Shanghai, Hong-Kong), il faut compter 30 ans de salaire d’une famille à deux salaires pour acheter une maison.
Pour se faire une idée, en France, le salaire médian est de 1 600 euros par mois (50% gagnent plus/50% moins) et le salaire moyen de 2 200 euros par mois.
Si les prix étaient aussi élevés en France qu’ils ne le sont dans les grandes villes Chinoises par rapport au pouvoir d’achat local, c’est comme s’il fallait débourser entre 1,2 et 1,6 millions d’euros pour acheter un logement digne d’une famille.
Bref, les logements sont inabordables en Chine et de nombreuses familles n’ont pas les moyens matériels d’avoir un ou plusieurs enfants.
Conclusion
La politique de l’enfant unique a permis à la Chine, jusque là pays très pauvre, d’éviter une explosion démographique incontrôlée (cf inde), de limiter le chômage et de permettre un développement économique sans précédent. Depuis 1978, la croissance Chinois est d’environ 10% par an, soit un PIB multiplié par plus de 20 sur la période.
Mais les effets pervers sont menaçants :
– Problèmes sociaux liés au manque de femme : hommes qui ne pourront jamais se marier, moins de femme = moins d’enfants = baisse et vieillissement de la population…
– Vieillissement de la population, ne pouvant être contrebalancé par de l’immigration
Même si la politique de l’enfant unique était supprimée, dans le meilleur des cas, il faudrait attendre 2028 pour que les premiers effets soient ressentis… à condition que les Chinois aient plus d’enfants, ce qui est loin d’être certain, vu les prix de l’immobilier – jusque 10 000€ du m² à Beijing, 15 000 à 30 000€ (jusque 60 000€) du m² à Hong-Kong – rendent difficile d’élever des enfants, sans compter les études. Car vu le chômage qui existe en Chine, les parents doivent investir de plus en plus pour assurer un avenir à leurs enfants.
– Perte de compétitivité de la Chine (hausse des salaires > productivité). La Chine délocalise de plus en plus et doit désormais remonter la chaîne de valeur jusque là chasse gardée des pays riches : industrie aérienne, automobile, high-tech, green-tech.
La compétition s’annonce rude avec les pays riches. La Chine est déjà leader mondial des panneaux solaires, de panneaux solaires de la croissance de la puissance installée en éolienne, et de nouveaux utilisateurs d’Internet. Et la Chine, avec son trésor de guerre (4 000 milliards de dollars) rachète à tour de bras mines, terrains agricoles, ports, aéroports et réseaux de distribution partout dans le monde. Car elle a conscience que la période où la main d’œuvre bon marché assurait la prospérité est fini, et a besoin d’avoir accès aux ressources pour continuer à se développer.
Il faut dire que les Chinois sont d’excellents hommes d’affaire. Par exemple, les Chinois en Thaïlande représentent 10% de la population mais contrôlent 80% de l’économie. Aux USA, les Chinois sont deux fois plus riches que les américains « de souche ». Enfin, ils construisent partout : barrages, autoroutes en Afrique notamment…
La prochaine fois, nous verrons les enjeux de l’exode rural et de l’immobilier en Chine.
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[…] – Problèmes démographiques : la vie coûte si cher que les Chinois ont peu d’enfants (0,99 enfants par femme même à Hong-Kong où n’existe pas la politique de l’enfant unique) ce qui pose de nombreux enjeux comme vous pouvez le voir dans cet article […]
Excellent résumé sur les enjeux et conséquences de cette politique de l’enfant unique en Chine!
Il est à préciser qu’un des points importants de la réussite des Chinois immigrés (à l’étranger) tient aussi à leur système d’auto-financement dans les affaires. C’est la fameuse « tontine », qui évite les prêts par l’intermédiaire des banques!
Merci a toi laurent. Ravi que l article te plaise. Concernant la reussite de la diaspora chinoise, elle reposerait sur un systeme d entraide financiere ou sur un systeme plus global (guangxi)? Si j ai bien compris la tontine offre le double avantage de faciliter l acces au pret et de garder les interets payesau sein de la communaute
A bientot