Les Chinois ont de l’argent

Souvent quand on pense à la Chine, on pense à l’image des Chinois travaillant 60 heures par semaine pour des salaires de misère et à un pays qui, s’il est en développement rapide, demeure un pays sous-développé. Moi-même, en allant en Chine, je pensais (naïvement) que les loyers ne coûteraient que dalle et que les Chinois étaient bien plus pauvres que les blancs. Ce n’est pas totalement faux. Mais ce n’est pas vrai non plus. Explications

La Chine : 8 fois plus pauvre que la France ?

Une donnée souvent donnée pour comparer le niveau de vie d’un pays est le PIB par habitant, car le PIB par habitant conditionne, directement ou indirectement, le niveau de vie. En France, le PIB par habitant est de 44 000 dollars, contre 5 500 en Chine.

On pourrait donc penser qu’un Français lambda est 8 fois plus riche qu’un Chinois. Mais c’est, évidemment, faux. Pour plusieurs raisons

Le coût de la vie en Chine est plus bas qu’en France

Comme je l’évoquais dans mon budget publié sur Objectifs Liberté, le coût de la vie est relativement faible en Chine. Certains produits sont plus chers qu’en France, notamment les produits importés – chocolat… – mais d’autres le sont beaucoup moins : 2 à 4 euros pour un repas au restaurant, 5 euros pour un coiffeur… Si l’on tient compte de la sous-évaluation du yuan et de la sur-évaluation de l’euro, le PIB par habitant est de 35 000 dollars en France et de 8 400 dollars en Chine. Dit autrement, un Chinois est en moyenne 4 fois plus pauvre qu’un Français. Mais c’est trop simple de penser seulement cela.

2 Chines : côté face…

En effet, la Chine n’est pas une entité comme on pourrait se l’imaginer, mais plusieurs entités. Commençons par la côte face. Sur les 780 millions de travailleurs en Chine, il y en a grosso modo 300 (selon Wikipedia) à 500 (selon trading Economics) millions qui sont agriculteurs qui, avec la mécanisation et la hausse de la productivité, iront émigrer en ville, d’où le système des hukou pour contrôler les mouvements de population. En gros, le hukou vous donne le droit d’habiter à un endroit.

Mais si un Chinois décide de déménager, il doit normalement changer de hukou, ce qui est très difficile (ou très couteux). Face à un chômage important de 22% selon le Point et des régions misérables dans l’Ouest de la Chine, les paysans sans terre – mingongs – émigrent dans les grandes villes pour chercher du travail. Problème : n’ayant pas le droit d’habiter dans ces villes, les mingongs sont dans l’illégalité et doivent donc se contenter d’habiter des logements souvent insalubres et de faire les travaux que les Beijinois ne veulent pas faire : bâtiment… pour des paie de misère – car en cas de problème avec leur employeur, ils n’auront aucun recours possible. Ils ne peuvent pas non plus amener femme et enfant, car ils n’ont pas le droit de bénéficier d’hôpitaux ou d’école pour leurs enfants que s’ils ont un hukou or ils n’en ont pas.

C’est aussi grâce aux mingongs sous payés (même au regard des normes Chinoises) et la faible valeur du yuan qu’on a droit a des produits importés si bon marché en Europe et aux USA.

Résumons : environ 200 millions de mingongs, 300 millions d’agriculteurs (500 fois plus qu’en France) et des centaines de millions de chômeurs, c’est le côté sombre de la Chine… que je cotoie pas, car difficilement… visible.

Côté pile…

Côté pile évidemment, c’est que l’enrichissement des Chinois demeure malgré tout bien réel, même chez les plus démunis dont je viens de vous parler qui ont malgré tout de quoi manger à leur faim, ce qui n’était pas nécessairement le cas il y a quelques années.

Les salaires – et le SMIC local – augmentent de 20 à 25% par an, « contraignant » certaines entreprises à fuir la Chine orientale pour aller à l’intérieur des terres ou dans des pays moins chers (Viet nam, Bangladesh) car la main d’œuvre devient « trop chère ». Il faut dire qu’à Pékin, un employé gagne en général environ 250 à 400 euros par mois, ce qui reste faible mais plus élevé qu’au Viet nam (environ 100 euros par mois)

Les villes s’enrichissent énormément. Ce qui est logique : Beijing, Shanghai et Hong-Kong comptent en tout 50 millions d’habitants, soit 3% des Chinois seulement. Même en prenant les autres grandes villes majeures sur le plan mondial (Chongqing, Wuhan, Guangzhou, Harbin…), on ne dépasse pas les 200 millions d’habitants… D’où une plus forte richesse concentrée dans les grandes villes.

Des villes riches

12 000 dollars de PIB par habitant à Beijing, 13 000 à Shanghai, cela représente 50 à 60% du niveau de vie en France, ce qui correspond globalement au niveau de la vie de la France au début des années 1990. Pas vraiment pauvre.

Et encore, il s’agit d’une moyenne. Les inégalités en Chine étant bien plus fortes qu’en France (similaires aux USA), les pauvres, chassés par la spéculation immobilière, habitent très très loin du centre-ville et donc Beijing que je connais est donc une ville très riche, sans doute plus riche que bien des villes en France. Sans compter les mingongs. Bref, chez les autres, l’argent ne manque pas.

La frime…

D’autant plus que le Chinois moyen aime frimer. Cela ne dérangeait pas une agent immobilière d’économiser 1 mois de salaire pour s’acheter le dernier iphone 4. Dans le métro, tout le monde a sous iPhone ou presque. Dans les rues, les marques les plus populaires sont (mon ressenti) BMW, Mercedes et Volkswagen. Les cafés Starbuck’s ne désemplissent pas, malgré des cafés vendus 4 euros en moyenne.

Flambée de l’immobilier

Une telle richesse génère une flambée des prix immobiliers qui atteignent des sommets délirants. D’autant plus que le terrain appartient à la base au gouvernement et les gouvernements locaux, qui dépendent énormément de la vente des terrains – qui peuvent représenter 50% de leurs revenus – veulent revendre le terrain au meilleur prix.

Bilan : La construction représente 10% du PIB et près de la moitié des revenus des gouvernements locaux (et la quasi-totalité des milliardaires Chinois). Les prix flambent à des niveaux insoutenables – 3000, 4000 parfois 10 000€ le m² (25 000€ à Hong-Kong, jusque 60 000€ pour du grand luxe). A Beijing, cela atteint les 6 000€ du m²

Il faut dire qu’après la crise de 2008, la Chine a investit énormément dans l’immobilier dans son plan de relance, et les grandes fortunes investissent massivement dans l’immobilier…

1万 = 10 000 元 (10 000 yuans valent environ 1 200 euros). Comme vous le voyagez, acheter une maison traditionnelle au centre-ville de Beijing coûte 1,3 millions d’euros (pour 150m²). Un studio de 20m²+5 est vendu environ 85 000€. Quand aux loyers, un hutong traditionnel se loue entre 1 000 et 2 500 euros par mois… Quant aux logements, un logement d’expatrié coûte en général entre 2 000 et 5 000 euros par mois.

Moi-même, je paie un loyer de 350 euros par mois dans une chambre en colocation… Cherchez l’erreur.

Corollaire : il faut jusque 500 ans de salaire pour les plus pauvres pour s’acheter des logements – 80 ans pour un employé de bureau (lire cet article) ce qui fait que malgré la demande énorme des ruraux de logements en ville, ils ne peuvent acheter, et des zones entières demeurent inhabitées, comme la ville d’Ordos, une ville nouvelle Chinoise prévue pour abriter 1 millions d’habitants et qui demeure vide… 64 millions de logements seraient vide en Chine…

 

Conclusion

Loin des images clichés des pays du tiers monde, la Chine n’est pas un pays pauvre. C’est un pays intermédiaire, disposant d’une énorme classe moyenne au niveau de vie similaire ou supérieur aux pays riches.

Après tout, il faut se dire que pour un employé qui gagne 3 000 yuans par mois (400 euros), il lui suffit de travailler 7 minutes pour s’acheter un ticket de métro, une heure pour s’offrir un resto ou ou deux heures pour un coiffeur. Et son salaire augmentera de 20% l’année prochaine. En France, un employé qui gagne 1 200 euros par mois doit travailler 11 minutes pour le ticket de métro, 1h30 pour un resto moyen et trois heures pour s’offrir un coiffeur, et il ne sera pas augmenté en fin d’année.

Evidemment, il n’a pas de protection sociale type chômage, APL et autre, mais le Beijinois moyen est assez aisé. Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que la Chine entière devienne riche, entre les mingongs, le chômage, les agriculteurs, la hausse de la population…

On dit souvent qu’il faut 7 à 8% de croissance par an juste pour maintenir le niveau de chômage constant, en dessous, le chômage explose. Or la Chine sera confronté à d’autres enjeux : vieillissement accéléré de sa population en Chine (politique de l’enfant unique oblige), enjeux environnementaux (pollution croissante)…

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3 Responses to “Les Chinois ont de l’argent”

  1. Excellent article et très bien détaillé je trouve. Tu y « casse » bien les préjugés. Par contre je ne connaissais pas ce côté obscure de la Chine où les gens ne peuvent déménager facilement.

  2. Ton article est bien ficelé et détaille bien les différents aspects du capitalisme, oups pardon, du communisme à la chinoise!!! Et la conclusion est particulièrement pertinente en montrant le temps de travail nécessaire par pays pour « s’offrir » certaines prestations de service!
    Il est toujours bon de rappeler aux français et aux occidentaux en général, le bond en avant qu’ont fait les pays d’Asie, alors qu’ils s’imaginent toujours que ces contrées soient « tiers mondistes »!!!
    Il est bon de rappeler qu’en France, il y a des travailleurs pauvres qui ne peuvent même pas se loger!
    Concernant la mendicité, là je parle en Thaïlande mais tu pourras me dire ce qu’il en est en Chine, les mendiants à Bangkok sont toujours propres sur eux! Leurs très faibles revenus leurs permettent de se maintenir un minimum d’hygiène corporelle et vestimentaire…
    Pour conclure sur le système économique chinois, j’aimerais rappeler une phrase de Coluche : « Le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme. Le Communisme, c’est le contraire!!! »

  3. martin dit :

    Bonjour à tous 🙂

    @Aala: Si j’ai bien compris ce principe, les hutongs servaient à la base à enregistrer les populations et à limiter l’exode rural. 300 à 500 millions de paysans aujourd’hui, environ 10-20 millions si la population agricole tant au pourcentage ténu des pays développé. Absorber comme ca 300 millions de paysans dans les villes, ce n’est pas évident. Déjà que Beijing grandit de presque 1 million d’habitants par an…

    @Laurent: Ce n’est qu’un point de vue extérieur, je ne suis pas dans les rouages du système. Je t’invite à lire l’article http://www.candix.fr/2012/06/vivre-en-chine/, il t’intéressera sans doute.

    Après il y a Chine et Chine, la Chine ce n’est pas encore les USA ni un système social à la française. Et il y a de nombreux petits boulots – comme 2 venduers de tickets de bus en plus du chauffeur dans les bus – sans doute pas rentable – vu que le ticket est vendu 5 centimes d’euros… Ou encore j’ai vu 5 ou 6 ouvriers arracher un arbre – en tirant sur une corde) ou 25 ouvriers planter des fleurs près de chez moi…

    La main d’oeuvre abondante et bon marché peut sans doute expliquer une partie du faible taux de chômage officiel…